DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES HLM

DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D'ÉCONOMIE D'ÉNERGIE DANS LES HLM
DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES HLM

La transition énergétique représente un enjeu majeur pour le parc de logements sociaux en France. Face aux défis environnementaux et à la précarité énergétique qui touche de nombreux ménages, les organismes HLM sont fortement incités à améliorer la performance thermique de leur patrimoine immobilier. Pour soutenir cette démarche, l’État a mis en place un dispositif fiscal incitatif : le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les travaux d’économie d’énergie. Ce mécanisme, prévu par l’article 1391 E du Code général des impôts, constitue un levier financier important pour les bailleurs sociaux dans leur stratégie de rénovation énergétique.

I. CONTEXTE ET ENJEUX DE LA RENOVATION ENERGETIQUE DANS LE PARC HLM

A. UN PARC IMMOBILIER SOCIAL CONSIDERABLE FACE AU DEFI ENERGETIQUE

DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D'ÉCONOMIE D'ÉNERGIE DANS LES HLM
DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES HLM

Le parc HLM français compte plus de 5 millions de logements sociaux, abritant près de 10 millions de personnes. Une grande partie de ce parc a été construite avant les premières réglementations thermiques, ce qui explique la présence significative de logements énergivores, parfois qualifiés de “passoires thermiques”. Ces bâtiments génèrent des consommations énergétiques élevées et des émissions de gaz à effet de serre importantes, tout en exposant leurs occupants à la précarité énergétique.

La rénovation énergétique de ces logements représente donc un triple enjeu :

  • Un enjeu environnemental, pour réduire l’empreinte carbone du secteur résidentiel
  • Un enjeu social, pour diminuer les charges des locataires et améliorer leur confort
  • Un enjeu économique, pour valoriser le patrimoine et optimiser les coûts d’exploitation

B. DES OBJECTIFS NATIONAUX AMBITIEUX

La France s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique, notamment à travers la loi Climat et Résilience et la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Ces objectifs incluent la rénovation énergétique de l’ensemble du parc de logements sociaux, avec une priorité donnée aux bâtiments les plus énergivores.

Le parc social doit ainsi contribuer activement à l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050, ce qui implique un rythme soutenu de rénovations énergétiques performantes. Pour les bailleurs sociaux, cela représente un défi financier majeur, les investissements nécessaires étant considérables.

DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D'ÉCONOMIE D'ÉNERGIE DANS LES HLM
DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES HLM

C. LE POIDS DE LA FISCALITE POUR LES ORGANISMES HLM

La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) constitue une charge fiscale importante pour les organismes HLM. Elle représente environ 10% des loyers perçus, soit près de 2,5 milliards d’euros par an pour l’ensemble du secteur. Dans ce contexte, les dispositifs d’allègement fiscal comme le dégrèvement pour travaux d’économie d’énergie jouent un rôle crucial pour équilibrer les opérations de rénovation thermique et maintenir des loyers abordables.

II. FONDEMENTS JURIDIQUES DU DEGREVEMENT POUR TRAVAUX D’ECONOMIE D’ENERGIE

A. CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE

Le dégrèvement de taxe foncière pour travaux d’économie d’énergie est prévu par l’article 1391 E du Code général des impôts (CGI). Ce dispositif a été introduit pour inciter les organismes HLM à investir dans la rénovation énergétique de leur parc immobilier.

Les modalités d’application de ce dégrèvement sont précisées par le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP) sous la référence BOI-IF-TFB-50-20-20-30, qui détaille les conditions d’éligibilité, les travaux concernés et le calcul du montant déductible.

DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D'ÉCONOMIE D'ÉNERGIE DANS LES HLM
DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES HLM

B. UN MECANISME FISCAL INCITATIF

Le principe du dégrèvement est simple : il permet aux organismes HLM de déduire une partie des dépenses engagées pour des travaux d’économie d’énergie de leur taxe foncière. Contrairement à une exonération qui supprime totalement l’impôt, le dégrèvement consiste en une réduction du montant de la taxe à payer, en fonction des dépenses réalisées.

Ce mécanisme présente un double avantage :

  • Pour les bailleurs sociaux, il allège la charge fiscale et améliore le retour sur investissement des travaux de rénovation énergétique
  • Pour l’État, il oriente les investissements des organismes HLM vers des projets conformes aux objectifs nationaux de transition écologique

III. CHAMP D’APPLICATION DU DEGREVEMENT

A. LES ORGANISMES ELIGIBLES

Le dégrèvement prévu par l’article 1391 E du CGI s’applique aux immeubles appartenant à trois catégories d’organismes :

1.    Les organismes d’habitations à loyer modéré visés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH), qui comprennent :

o    Les Offices Publics de l’Habitat (OPH)

o    Les Entreprises Sociales pour l’Habitat (ESH)

o    Les coopératives HLM

o    Les fondations d’HLM

2.  Les sociétés d’économie mixte (SEM) ayant pour objet statutaire la réalisation ou la gestion de logements

Les organismes agréés mentionnés à l’article L. 365-1 du CCH, notamment les associations et organismes à but non lucratif intervenant dans le domaine du logement LOGEMENT  SOCIAL

B. LES LOGEMENTS CONCERNES

Le dégrèvement ne s’applique pas indistinctement à tous les logements détenus par ces organismes. Les immeubles concernés doivent être :

1.    Affectés à l’habitation, ce qui inclut les logements collectifs, les maisons individuelles et certains logements-foyers

2.  Appartenir à l’une des catégories suivantes :

o    Logements locatifs conventionnés pour le bénéfice de l’APL (logements familiaux ou logements-foyers)

o    Logements en location-accession via le Prêt Social Location-Accession (PSLA)

o    Établissements médico-sociaux ou d’hébergement temporaire ou d’urgence, qu’ils soient conventionnés APL ou non, et dont la construction ou la livraison est éligible au taux réduit de TVA à 5,5% (CHRS, LHSS, CHU, certains établissements pour personnes âgées ou handicapées)

Les travaux peuvent porter aussi bien sur les parties privatives que sur les parties communes des immeubles concernés.

DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D'ÉCONOMIE D'ÉNERGIE DANS LES HLM 1
DÉGRÈVEMENT DE TAXE FONCIÈRE POUR TRAVAUX D’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE DANS LES HLM 1

C. LES TRAVAUX ELIGIBLES

Le dégrèvement s’applique aux travaux de rénovation qui ont pour objet direct la réalisation d’économies d’énergie et de fluides. L’article 1391 E du CGI identifie huit catégories de travaux éligibles :

1.    Les éléments constitutifs de l’enveloppe du bâtiment (isolation thermique des murs, toitures, planchers, remplacement des menuiseries…)

2.  Les systèmes de chauffage (chaudières à haute performance énergétique, pompes à chaleur, radiateurs à basse température…)

3.  Les systèmes de production d’eau chaude sanitaire (chauffe-eau thermodynamiques, solaires…)

4.  Les systèmes de refroidissement dans les départements d’outre-mer

5.   Les équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable (panneaux solaires photovoltaïques, éoliennes domestiques…)

6.  Les systèmes de ventilation (VMC simple ou double flux…)

7.   Les systèmes d’éclairage des locaux (LED, détecteurs de présence…)

8.  Les systèmes de répartition des frais d’eau et de chauffage (compteurs individuels, répartiteurs…)

Il est important de noter que le texte ne renvoie pas à des équipements, matériaux ou normes spécifiques. Contrairement à d’autres dispositifs fiscaux, il n’est pas nécessaire que les travaux aient bénéficié du taux de TVA à 5,5% en tant que travaux de rénovation énergétique (prévu à l’article 278-0 bis A du CGI).

IV. MODALITES DE CALCUL DU DEGREVEMENT

A. ASSIETTE ET TAUX DU DEGREVEMENT

Le dégrèvement s’élève à 25% des dépenses éligibles, soit le quart du montant hors taxe des travaux d’économie d’énergie payés au cours de l’année précédant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Cette assiette doit être diminuée des subventions perçues pour financer ces travaux. Seules sont déduites les subventions effectivement encaissées au cours de l’année de paiement des travaux.

B. TRAITEMENT DES SUBVENTIONS ET DES CERTIFICATS D’ECONOMIE D’ENERGIE (CEE)

Un point important concerne le traitement des certificats d’économie d’énergie (CEE). Dans un arrêt du 14 juin 2022 (n°454465), le Conseil d’État a clarifié que les produits des CEE obtenus par le bailleur au titre des travaux ouvrant droit au dégrèvement sont considérés comme des “subventions” au sens de l’article 1391 E du CGI.

Par conséquent, la valorisation financière des CEE doit être déduite du coût des travaux pour le calcul du dégrèvement, si cette valorisation est intervenue au cours de l’année de paiement des travaux.

Lorsque les subventions servent à financer une opération de rénovation globale comprenant des travaux éligibles et non éligibles, seule la fraction afférente aux travaux éligibles au dégrèvement doit être déduite. Cette fraction est déterminée au prorata du coût des travaux éligibles dans le coût total des travaux.

C. CAS DES PAIEMENTS PARTIELS ET DES TRAVAUX PLURIANNUELS

Toute somme versée à titre de paiement partiel de la facture (facture intermédiaire ou définitive) constitue une dépense payée au sens de l’article 1391 E du CGI, dès lors que ces sommes correspondent à des travaux d’économie d’énergie réellement effectués.

Pour les projets de rénovation qui s’étalent sur plusieurs années, les dépenses payées chaque année ouvrent droit à un dégrèvement sur la taxe foncière due au titre de l’année suivante. Il convient donc d’effectuer une réclamation distincte pour chaque année fiscale concernée.

D. EXEMPLE CHIFFRE

Prenons l’exemple d’un organisme HLM qui réalise des travaux d’isolation thermique par l’extérieur sur un immeuble de 40 logements :

  • Coût total des travaux HT : 400 000 €
  • Subventions reçues dans l’année : 100 000 €
  • Valorisation des CEE : 30 000 €

Calcul du dégrèvement :

  • Base de calcul : 400 000 € – 100 000 € – 30 000 € = 270 000 €
  • Montant du dégrèvement : 270 000 € × 25% = 67 500 €

L’organisme pourra donc déduire 67 500 € de sa taxe foncière due l’année suivant celle du paiement des travaux.

V. PROCEDURE DE DEMANDE ET D’OBTENTION DU DEGREVEMENT

A. FORMALITES ADMINISTRATIVES

Le dégrèvement n’est pas accordé automatiquement : il doit faire l’objet d’une demande explicite sous forme de réclamation contentieuse. Cette réclamation doit être adressée au service des impôts compétent au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle de la mise en recouvrement de la taxe foncière.

En pratique, l’organisme doit attendre la réception des avis d’imposition, généralement au second semestre de l’année suivant celle du paiement des travaux, pour établir et envoyer sa réclamation.

B. PIECES JUSTIFICATIVES A FOURNIR

La demande de dégrèvement doit être accompagnée de pièces justificatives permettant à l’administration fiscale d’apprécier la nature et le montant des travaux réalisés. Ces pièces comprennent :

  • Un courrier détaillé par commune où sont situés les immeubles concernés
  • Les avis d’imposition de taxe foncière
  • Les factures détaillées des travaux d’économie d’énergie
  • Les preuves de paiement (relevés bancaires, attestations…)
  • Les preuves de versement des subventions (conventions, notifications…)
  • Un tableau synthétique récapitulant les montants demandés par immeuble

L’administration peut également demander des pièces complémentaires telles que :

  • Des fiches techniques des équipements installés
  • Le cahier des clauses techniques particulières (CCTP)
  • La décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF)
  • Des attestations d’organismes certificateurs ou de cabinets d’études
  • Les ordres de service et procès-verbaux de réception des travaux

C. INSTRUCTION DE LA DEMANDE ET VOIES DE RECOURS

La réclamation est instruite par les services de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) dans un délai qui peut parfois s’avérer assez long. En l’absence de réponse dans les six mois suivant la réception de la demande, l’organisme peut considérer que sa réclamation est tacitement rejetée.

Dans ce cas, ou en cas de rejet explicite, le bailleur dispose d’un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif. Avant d’engager un contentieux, il est possible de solliciter l’intervention du conciliateur fiscal départemental.

VI. IMPACT FINANCIER ET STRATEGIQUE POUR LES ORGANISMES HLM

A. LEVIER FINANCIER POUR ACCELERER LA RENOVATION ENERGETIQUE

Le dégrèvement de taxe foncière constitue un levier financier significatif pour les organismes HLM. En réduisant le coût net des investissements en efficacité énergétique, ce mécanisme améliore la rentabilité des projets de rénovation et permet d’accélérer leur mise en œuvre.

Pour un organisme détenant un parc important, l’économie fiscale peut représenter plusieurs centaines de milliers d’euros par an, somme qui peut être réinvestie dans de nouveaux projets de rénovation, créant ainsi un cercle vertueux.

B. INTEGRATION DANS LA STRATEGIE PATRIMONIALE

Le dégrèvement pour travaux d’économie d’énergie s’intègre pleinement dans la stratégie patrimoniale des organismes HLM. Il incite à prioriser les interventions sur les bâtiments les plus énergivores et à adopter une approche globale de la rénovation énergétique.

En combinaison avec d’autres dispositifs de financement (éco-prêts, subventions, valorisation des CEE), il permet d’optimiser le plan de financement des opérations et d’atteindre des niveaux de performance énergétique plus ambitieux.

C. CONTRIBUTION A LA MAITRISE DES CHARGES LOCATIVES

La rénovation énergétique des logements sociaux contribue directement à la maîtrise des charges locatives, un enjeu majeur pour le pouvoir d’achat des ménages modestes. En réduisant les consommations d’énergie, elle permet de limiter l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les locataires.

Le dégrèvement de taxe foncière participe ainsi à la mission sociale des organismes HLM en rendant possible la réalisation de travaux qui, sans ce dispositif, pourraient être différés ou réalisés avec un niveau d’ambition moindre.

VII. PERSPECTIVES D’EVOLUTION DU DISPOSITIF

A. UN MECANISME PERFECTIBLE

Si le dégrèvement prévu par l’article 1391 E du CGI constitue un soutien précieux pour les bailleurs sociaux, certaines limites peuvent être relevées :

  • Le taux de 25% reste modeste au regard de l’ampleur des investissements nécessaires pour atteindre les objectifs de décarbonation du parc social
  • La déduction des subventions et des CEE de l’assiette de calcul réduit l’incitation pour les organismes à mobiliser ces sources de financement
  • La procédure administrative, basée sur une réclamation a posteriori, peut créer des difficultés de trésorerie pour les organismes

B. VERS UNE SIMPLIFICATION ET UN RENFORCEMENT DU DISPOSITIF ?

Dans le contexte des objectifs nationaux ambitieux de rénovation énergétique, plusieurs évolutions du dispositif pourraient être envisagées :

  • Une augmentation du taux de dégrèvement, qui pourrait être modulée en fonction du gain énergétique obtenu
  • Une automatisation de la procédure pour réduire la charge administrative
  • Une extension du champ d’application à d’autres types de travaux contribuant à la transition écologique (végétalisation, économies d’eau…)

La question de l’évolution du dispositif se pose avec d’autant plus d’acuité que la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, prévue pour 2026, pourrait modifier significativement l’assiette de la taxe foncière et, par conséquent, l’impact financier du dégrèvement.

CONCLUSION

Le dégrèvement de taxe foncière pour travaux d’économie d’énergie constitue un dispositif fiscal important pour accompagner les organismes HLM dans la transition énergétique de leur parc immobilier. En réduisant le coût net des investissements, il facilite la réalisation de travaux ambitieux qui contribuent à la fois à la lutte contre le changement climatique et à l’amélioration du confort des locataires.

Ce mécanisme s’inscrit dans une politique globale de soutien à la rénovation énergétique du parc social, qui comprend également des aides directes, des prêts bonifiés et des dispositifs de valorisation des économies d’énergie. L’articulation efficace de ces différents outils représente un enjeu majeur pour les organismes HLM, qui doivent relever le défi d’une rénovation massive de leur patrimoine dans un contexte de contraintes budgétaires croissantes.

À l’heure où la transition écologique s’impose comme une priorité nationale, le dégrèvement prévu par l’article 1391 E du CGI apparaît comme un levier pertinent pour aligner les intérêts économiques des bailleurs sociaux avec les objectifs environnementaux et sociaux poursuivis par les pouvoirs publics. Son évolution dans les années à venir sera déterminante pour accompagner efficacement la transformation du parc HLM vers un habitat plus durable et plus économe en énergie.

MEDICAL  CLOUD  AI  IN  FRANCE